Discours du Président d'ASEREF le 25 mai 2009
Tout d’abord je tiens à remercier toutes celles et ceux qui ont contribué à la réussite de cet évènement :
Les adhérents d’ASEREF, qui ont mis toute leur énergie et tout leur cœur pour que nous réussissions cette commémoration dont notre association a eu l’initiative.
Les collectivités qui ont répondu favorablement à nos demandes et sans lesquelles nous n’aurions pu donner l’ampleur que méritait cette commémoration.
Je remercie l’artiste peintre François Carmona qui nous a fait don de deux de ses œuvres.
Remerciements également, aux amis de la bourse du travail de Sète qui ont accueilli pendant cinq semaines notre exposition « Rouges » sous haute surveillance qui a vu 800 visiteurs, 150 témoignages écrits et qui a permis à ASEREF de se renforcer de 70 nouveaux adhérents, ce qui permet à l’association d’envisager de multiplier les actions et les projets sur le devoir de mémoire, tel que nous le faisons aujourd’hui.
Je tiens à remercier particulièrement Santiago Ridaura Lopez, mexicain et jeune chercheur à l’Inra de Montpellier qui est le fils de madame Cecilia Ridaura Sanz ici présente qui a fait la traversée à l’âge de 3 ans. Santiago qui est actuellement à Cuba pour des obligations professionnelles, pense certainement très fort à nous en ce moment et à cet évènement que nous avons construit ensemble.
Merci a Rebeca sa compagne à qui l’on doit le graphisme de l’affiche et celui du bateau qui figure sur la plaque,
Merci à Régis Zaïa et à ses amis collectionneurs, ce passionné de marine marchande nous a procuré de par ses relations la photo du Sinaïa qui nous a servi pour tous nos supports et pour la plaque,
Merci à madame Catherine Lopez-Dreau directrice des archives municipales de Sète pour son aide.
Merci enfin à tous ceux qui de près ou de loin ont cru tout de suite à notre projet alors que nous ne l’avons décidé qu’au mois de mars.
Je voudrai avoir une pensée pour notre ami Manuel Madrona, une des chevilles ouvrières de notre association, que certains ici connaissent bien, il n’est pas parmi nous ce soir car il vient de subir une importante intervention chirurgicale, de son lit d’hôpital ce matin il m’a dit qu’il serait de tout cœur avec nous et qu’il était sûr que cette commémration serait un succès. Manuel a 82 ans et il a passé dix ans de sa vie à la prison de Burgos pendant les années noires du franquisme. Nous l’embrassons très fort.
Permettez moi aussi, une parenthèse personnelle, mais j’ai ce soir une pensée pour ma mère Maria qui en Espagne suit de près et avec fierté tout ce que nous faisons, mais aussi pour mon père Felipe né le 25 mai 1912 décédé il y a 4 ans, il aurait aujourd’hui 97 ans. Combattant dans l’armée républicaine et interné à Argelès sur Mer il a poursuivi en France son combat contre le fascisme dans les rangs de la Résistance, comme l’ont fait des dizaines de milliers de républicains espagnols qui ont participé à la libération de la France. Soldat de la liberté, internationaliste, il n’a jamais réclamé de médaille ni de carte d’ancien combattant, sa médaille je lui offre aujourd’hui en faisant présent et porteur d’avenir son combat et celui de tous les républicains espagnols.
Nous saluons Roger Tarbouriech, président de la FNDIRP de Sète et du bassin de Thau qui comptait beaucoup d’adhérents républicains espagnols rescapés des camps d’extermination allemands et nous avons une pensée pour un de ceux là en la personne de Francisco Batiste Baila rescapé de Mauthausen et qui fut longtemps président de cette association d’anciens combattants,
et comment ne pas avoir non plus une pensée pour Antoine Beille, qui ce soir serait particulièrement heureux d’être parmi nous.
Je remercie pour leur soutien les personnalités et associations qui ne peuvent être présentes mais qui nous ont fait parvenir des messages :
Monsieur Cuauthemoc Cardenas fils de Lazaro Cardenas président de la République qui accueillie les républicains espagnols
Madame Carmen Negrin, petit fille du chef du gouvernement républicain espagnol de 1937 à 1939 et dans l’exil jusqu’en 1945.
« J'aurai vraiment aimé être avec vous pour cet événement d'autant plus que ce bateau est arrivé au Mexique avec une belle pancarte panneau disant "Negrín tenía razón"!
Mais je serai avec vous en pensée, puisque je serai en Espagne, toujours pour la fondation Negrín.
Amicalement,
Carmen Negrín »
L’Association hispaniste Amis et Amigos de Dordogne
MERR »32
L’Ateneo Republicano du Limousin
L’Amicale des Anciens Guerrilleros en France FFI, section des PO
Voilà 70 ans, le 25 mai 1939, du port de Sète 1599 Républicains Espagnols embarquaient pour le Mexique à bord du paquebot Sinaïa. Ouvriers, paysans, médecins, avocats, journalistes, artistes, écrivains… qui avec les milliers d’autres arrivés ensuite, ont contribué au développement économique et culturel du Mexique. Sinaïa a été le premier bateau transportant des réfugiés espagnols de façon massive en partance pour d’autres pays à l’issue de la guerre d’Espagne.
Ces réfugiés provenaient notamment de camps de concentration français, internés au moment de la défaite de la République Espagnole qui combattit héroïquement le Franquisme soutenu par les forces fascistes internationales depuis 1936.
Arrivés le 13 juin 1939 à Veracruz les Républicains Espagnols ont été dignement et chaleureusement accueillis par le Mexique qui a maintenu les relations diplomatiques et amicales avec le gouvernement républicain espagnol en exil grâce au Président de la République du Mexique Lazaro Cardenas dont le fils Cuauthemoc Cardenas nous a fait parvenir un message que Madame Ridaura Sanz nous lira tout à l’heure. Le 13 juin prochain date anniversaire de l’arrivée du Sinaïa une commémoration aura lieu à Veracruz avec pose de plaque également organisée notamment par l’Institut de culture de Veracruz.
A Sète, ce sont des Républicains espagnols rescapés du camp d’extermination de Mauthausen, qui ont reconstruit le Môle Saint-Louis, après les bombardements de 1944. Ces espagnols, pour certains travaillaient dans les carrières de Frontignan.
Notre hommage va également aux Républicains espagnols morts en déportation et à ceux installés à Sète ou dans le bassin de Thau après avoir combattu dans la Résistance pendant l’occupation nazie.
Rappelons aussi qu’à Sète des enfants réfugiés de Bilbao après les bombardements du pays basque et de Guernica par la légion condor d’Hitler, ont été accueillis notamment au Lazaret en 1937. Fn 2009 en accord avec la direction du centre de vacances du Lazaret nous avons le projet de poser également une plaque commémorative.
Nos amis anciens passagers du Sinaïa ici présents, que nous saluons avec beaucoup d’émotion, vont dévoiler tout à l’heure une plaque rappelant cette traversée.
Le Mexique a toujours soutenue la république espagnole, et aux moments des bombardements sur le pays basque en 1937, ce pays accueillait déjà 500 enfants ……
Le chef du gouvernement républicain espagnol en exil Juan Negrin et les organisations d’aide aux réfugiés espagnols tel le SERE et le JARE ainsi que de nombreux comités d’aides français et étrangers ont œuvré pour permettre à des milliers de républicains espagnols de rejoindre le Mexique et d’autres pays tels que l’Argentine, le Chili, l’URSS…
D’autres bateaux partis de différents ports français furent affrétés par la suite tels le Nyassa, le Mexique, l’Ipanem ou encore le Winnipeg qui grâce à Pablo Neruda consul du Chili en France pour l’immigration emmena en septembre 1939 au départ de bordeaux 2500 réfugiés vers Valparaiso et qui eux aussi sortaient des camps de concentration français.
Aujourd’hui, avec les survivants de la guerre d’Espagne et de l’exil, nous, enfants, petits enfants, et amis de l’Espagne républicaine, avons le devoir de poursuivre le combat de nos parents pour la paix, la justice et la liberté, d’œuvrer pour la vérité et de pointer les responsabilités de l’Etat français, qui considérait les républicains espagnols comme des ennemis sur le territoire de la République Française. Des vérités qui dérangent certes, mais des vérités qu’il faudra bien entendre…
Nous avons constaté, lors d’une récente exposition à la bourse du travail de Sète, l’attente de beaucoup de familles sur la recherche de la vérité historique pour cette période. La recherche des racines dans une période où les dangers que représentent l’intolérance, la xénophobie sont toujours présents.
Certains nous disent déjà qu’il faudrait oublier, ou bien que le sort des espagnols dans les camps français n’était pas si terrible, ou bien encore que les franquistes n’étaient pas si méchants que l’on veut bien le dire et que les républicains espagnols ont commis de leur côté bien plus de massacres et d’exactions… C’est aller un peu vite, car, certes une guerre est une guerre, mais, qui a soutenu Franco pendant la guerre d’Espagne si ce n’est Hitler et Mussolini ? et qui a lâché la République espagnole en prônant la non intervention si ce n’est le gouvernement de la France? Qui a ouvert les camps de concentrations français? N’est-ce pas le gouvernement de la France de la troisième République? Qui a nommé Pétain ambassadeur à Burgos pour reconnaître le régime franquiste en mars 1939 alors que la République espagnole livrait encore ses derniers combats, n’est-ce pas monsieur Daladier?
Non, la France ne peut pas botter en touche sur cette histoire, et les commémorations sont nécessaires et nous sommes ici ce soir pour cela mais elles ne suffisent pas. Nous ne voulons pas que l’on pleure sur le sort des pauvres réfugiés qui « fuyaient » devant l’avancée des troupes franquistes… Ils ne fuyaient pas, ils préféraient mourir debout que de vivre à genoux. Ils l’ont prouvé par la suite en combattant dans les rangs de la Résistance en France.
Plus que jamais nous sommes confortés dans la justesse de notre combat pour le devoir de Mémoire. Plus que jamais nous allons faire en sorte que cette partie de l’histoire de France entre dans les écoles, collèges, lycées, universités; celle où la France internait des républicains espagnols dans des camps de concentration du fait de leurs idéaux de paix, de justice et de liberté et de leur détermination dans la lutte antifasciste. Nous sommes intervenus auprès des plus hautes autorités de l’Etat français pour qu’il y ait reconnaissance des responsabilités de celui-ci dans ces actes indignes d’une République, pour qu’il y ait une juste réparation morale à l’égard des victimes internées dans les camps et exploitées dans le cadre du travail forcé avant Vichy et pendant Vichy .A vous toutes et tous qui êtes venus aujourd’hui à Sète pour commémorer cet exil nous disons: ensemble nous allons rechercher la vérité historique et exiger la justice. Bien sûr cela ne rendra pas un être cher et peut-être diront certains cela vient un peu tard… Certes, mais il n’est jamais trop tard pour mener des combats justes et pour que la jeunesse de ce pays issue notamment de nombreuses communautés immigrées sache ce que l’on faisait des libertés dans la France de 1939. Pour que cette jeunesse agisse pour la défense de celles-ci et des droits de l’Homme dans la France de 2009 où les centres de rétention et la chasse aux sans papiers sont aussi indignes que les camps de concentration et les circulaires de surveillance des étrangers il y a 70 ans.
L’Association pour le Souvenir de l’Exil Républicain Espagnol en France (ASEREF) et les anciens réfugiés et descendants des passagers du Sinaïa saluent la mémoire de tous les républicains espagnols qui ont lutté pour les libertés et les valeurs de la République, en Espagne, en France, au Mexique et partout où ils se sont trouvés.
Enfin en guise de conclusion, tout en sachant que notre combat pour la vérité historique et le devoir de mémoire ne se conclura jamais, je vais vous lire en espagnol quelques vers d’un poème de Pedro Garfias poète espagnol qu’il a écrit pendant la traversée et publié dans le journal du Sinaïa réalisé par un groupe de passagers
Un rio espagnol de sangre roja
España que perdimos, no nos pierdas;
guárdanos en tu frente derrumbada,
conserva a tu costado el hueco vivo
de nuestra ausencia amarga
que un día volveremos, más veloces,
sobre la densa y poderosa espalda
de este mar, con los brazos ondeantes
y el latido del mar en la garganta.
Y tú, México libre, pueblo abierto
al ágil viento y a la luz del alba,
indios de clara estirpe, campesinos
con tierras, con simientes y con máquinas;
proletarios gigantes de anchas manos
que forjan el destino de la Patria;
pueblo libre de México:
como otro tiempo por la mar salada
te va un río español de sangre roja
de generosa sangre desbordada.
Pero eres tú esta vez quien nos conquistas,
y para siempre, ¡oh vieja y nueva España!